Chère Marquise Ch. 00

Chère Marquise,

Te dire que la conversation qui accompagna notre déjeuner de vendredi me laissa indifférent serait au mieux un doux euphémisme, au pire un mensonge outrageux. A dire vrai, j'ai passé l'après-midi à t'imaginer, nue sur des draps froissés, le souffle court, dans la douce pénombre d'une chambre aux volets mi-clos, plutôt que de me consacrer à la saine étude .... Bah, on ne se refait pas, cela fait quelques dizaines d'années que je vis dans un monde, mi-rêve, mi-réalité, où les femmes – et les hommes... – sont caressants, lascifs et désireux de laisser libre cours à la douce folie de leurs désirs.

Ecrire des nouvelles et récits érotiques recèle, à mon avis, deux écueils.

Le premier réside dans le choix du vocabulaire. De la "vallée des roses embrumée de rosée" à la "chatte béante luisante de mouille", il n'y a qu'un pas, aisément franchi, et d'autant plus allégrement que la censure ne veille pas.

Et ceci amène le second écueil: écrire, oui, mais pour qui? Pour ma part, j'ai toujours eu beaucoup plus de plaisir à écrire en sachant que j'allais être lu, et ce plaisir s'en trouvait démultiplié par la connaissance de la chère lectrice.... Savoir que tes yeux jolis vont se poser sur les lignes qui vont suivre m'emplit de joie, le rose qui te vient aux joues n'est que la prémisse de celui qu'un jour, peut-être, qui sait, te viendra lorsque nous nous trouverons enfin seuls, toi et moi....

Ainsi donc, ces préliminaires énoncés, commence le récit que j'entame pour toi... Ne connaissant pas tes goûts dans ce domaine – et ils sont variés, et je te souhaite que les tiens soient aussi variés que les miens.... , J'ai favorisé une approche très douce, très ouverte... A toi, par tes réponses, même succinctes, même rapides, d'orienter la suite de cette histoire que j'écris pour toi....

"Le château magique"

Bienvenue, chère Marquise, dans ce château magique qui n'attend que toi pour renaître à la vie... En ses murs, tu trouveras à assouvir tes envies les plus secrètes, tes désirs enfouis... Ici, aucune honte, aucun regard étranger... Ici, tout est fait pour te satisfaire, pour écouter tes envies les plus secrètes, tes désirs enfouis, pour les écouter et t'aider à les réaliser... Il va de soi, m'étant intronisé maître de cérémonie, que j'ai placé, au gré des pièces que tu vas visiter, certains de mes appétits cachés....

D'abord, à ton entrée, tu trouveras trois rubans, qu'il te faudra attacher à ton poignet, selon tes goûts. Le ruban jaune indiquera aux habitants du château que seules les jeunes femmes qui hantent ses couloirs ont le droit de poser les yeux sur toi... Le bleu sera le signal pour les hommes: ils seront à la fois prédateurs et gibier... Si tu choisis le ruban vert, mélange de jaune et de bleu, c'est que, heureuse créature, les hommes et les femmes t'apportent un plaisir égal, et pourtant différent... Comme je te comprends, si tu choisis le vert....

Ta liberté de choix s'étend à l'infini.. Préfères-tu les athlètes au corps musclé et imposant, les éphèbes imberbes, les jeunes filles diaphanes, les dianes aux charmes opulents? Voire, car tous les goûts sont dans la nature, et surtout dans la mienne, les androgynes créatures au charme ambigu, mi-male mi-femelle? Choisis, délicate marquise, ton vœu sera mien....

Ce château est un labyrinthe, un dédale au hasard de ses couloirs, tu trouveras des hommes, et des femmes, prêts à accomplir tes désirs, à te servir ou, au contraire, disposés à te contraindre, à te plier à leurs envies....

Le sous-sol est le royaume de l'obscurité. Ici règnent la douleur, la contrainte, la violence. Ici, des hommes bardés de cuir, des femmes couvertes de chaînes te feront découvrir le plaisir au- delà de la souffrance, l'extase au-delà des limites... Dans une salle obscure, c'est un homme – ou une femme.... - , pieds et poings liés, qui, les yeux bandés, attend ton bon plaisir. Dans une autre, c'est un harnais, dont les lanières sont prêtes à se serrer sur tes membres, pour te livrer aux mille concupiscences de celles et ceux qui hantent ces lieux.

Au rez-de-chaussée, à droite du grand hall s'ouvre la salle à manger; où d'accortes soubrettes et de dévoués laquais, entre une bouchée de foie gras et une coupe de champagne, te feront percevoir, si ce n'est déjà fait, que les plaisirs de la table et ceux du corps sont intimement liés....

A droite du hall, le petit salon, royaume des fétiches et de ceux qui les adorent... Dentelles, cuirs, talons aiguilles, tous les artifices sont rassemblés pour te parer, t'orner, te rendre encore plus belle et plus désirable encore; ou pour enjoliver celui ou celle qui t'agréera et que tu daigneras adorer. Bien sûr, nos maîtres tatoueurs et perceurs sont là pour t'embellir, à même la peau...

Si tu choisis de monter à l'étage, plusieurs chambres t'attendent, remplies de tentations sucrées ou plus épicées.... Derrière ces portes, allongés sur des amoncellements de coussins, alanguis sous les baldaquins, des hommes, des femmes, seuls, par deux, par trois, le poignet ceint de rubans jaunes, bleus ou verts, n'attendent qu'un signal de toi pour se mettre au service de tes fantasmes.... Rêve-tu de te voir servie par deux hommes? De contempler deux femmes s'aimant? Ou deux hommes? Peut-être souhaites-tu posséder une femme – ou un homme... -, au moyen d'accessoires qui feront de toi un mâle conquérant? A moins que tu ne préfères être le centre de leurs attentions? A ta guise, pousse la porte, allonge-toi, ferme les yeux. Ils et elles sont là pour ton seul et unique plaisir....

Il me faudrait encore parler, divine marquise aux yeux brillants de convoitise, des salles de bains de marbre, des bains de vapeur, eaux ruisselantes et parfumées, mains délicates qui te massent, t'oignent de senteurs, enflamment tes sens en prétendant les apaiser....

Lorsque le château aura épuisé ses charmes –le plus tard possible, je l'espère, il te restera à explorer les communs, écuries où de vigoureux palefreniers pansent de robustes étalons; laiteries où de séduisantes laitières aux seins opulents œuvrent dans les odeurs âcres du lait caillé; forêts obscures où les forestiers, puissants géants, coupent, débitent des arbres centenaires...

Voilà, sensuelle marquise, les portes de cette splendide demeure sont largement ouvertes, chacun de ses occupants tremble à l'idée de te servir, et l'humble plumitif que je suis est entièrement disposé à accompagner chacun de tes pas dans ce domaine obscur et pourtant si lumineux...