Coup d'Envoi Ch. 01

Informations sur Récit
Une rencontre amicale aux enjeux insoupconnés.
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Partie 1 de la série de 3 pièces

Actualisé 06/09/2023
Créé 10/03/2019
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En ce début de mois de juin, il faisait beau.

La pelouse du rectangle vert, comme on aime l'appeler, était coupée ras et de bonne qualité. Quelques pies flânaient à proximité d'un poteau de corner, recherchant inlassablement des insectes ou toute autre forme de nourriture susceptible de les sustenter, avant d'être chassées pour la rencontre imminente. Non loin, une quarantaine de spectateurs discutaient allégrement par groupe, la plupart avec un gobelet dans la main et adossés à la barrière rigide qui délimitait le terrain. Parmi eux, on devinait des parents fiers de leur enfant, mais aussi des amis qui n'avaient pas hésité à sacrifier un dimanche matin de repos pour profiter des températures clémentes, de la douce brise rafraichissante... et du spectacle.

Côté vestiaire, les vingt-deux actrices venaient de terminer leur échauffement et s'étiraient à présent. L'entraîneur de chaque équipe surveillait du coin de l'œil ses atouts, empilant rapidement les plots et les cônes pour dégager le terrain de tout obstacle. Il n'y avait pas vraiment de stress ni d'enjeux aujourd'hui : les deux clubs, appartenant à deux communes relativement proches l'une de l'autre, se rencontraient dans le cadre d'un match amical de fin de saison. Tout le monde savait que le plus gros de la saison était passé et qu'il ne restait désormais que deux tournois à disputer avant le début des vacances.

Un coup de sifflet retentit et les deux équipes se regroupèrent pour se serrer la main et se souhaiter bon match. À l'instar de ses coéquipières, Eris portait un maillot rouge et un short blanc. Sa silhouette élancée et son absence de formes notables lui conféraient une agilité particulièrement utile sur son aile droite. Comme à son habitude, elle avait coiffé ses cheveux noirs en chignon haut et troqué ses lunettes rondes pour des lentilles de contact afin de ne pas être gênée dans ses mouvements. Du haut de ses dix-neuf ans, elle n'était pas plus extravertie qu'une autre, mais arborait un sourire non dissimulé en de nombreuses occasions, comme lors de ce protocole où elle passait en revue l'effectif adverse en affichant sa bonne humeur contagieuse. Pour la plupart, ses partenaires de jeu présentaient un niveau bien supérieur au sien, mais elle avait une détermination et une énergie remarquables pour compenser certains de ses défauts.

Une fois réparties sur le terrain, les joueuses indiquèrent qu'elles étaient prêtes et l'arbitre donna le coup d'envoi.

Lors des vingt-et-une premières minutes, l'intensité s'avérait relativement faible des deux côtés : les deux équipes conservaient le ballon à tour de rôle, jusqu'à ce qu'une faute technique ou une interception près des surfaces de réparation n'accorde une nouvelle phase de possession aux adversaires. Une faute fut sifflée, puis une seconde. Les jambes augmentèrent leur fréquence et les courses se firent plus rapides. Le maigre public avait enfin quelques occasions à se mettre sous la dent.

Vint alors un corner, le troisième du match, mais le premier pour l'équipe de Eris. Située au second poteau, la jeune ailière espérait recevoir le ballon pour le dévier de la tête et l'envoyer au fond des filets. Malheureusement pour elle, la joueuse adverse qui la marquait de près mesurait bien quinze centimètres de plus et avait davantage travaillé son physique. Autrement dit, la bataille s'annonçait déjà compliquée, il allait falloir ruser pour passer devant.

Profitant de la présence à quelques mètres de là d'une de ses coéquipières, Eris s'éloigna du poteau et rejoignit la joueuse au point de penalty, demandant vainement quelle allait être la trajectoire du coup de pied de coin en sachant pertinemment que seule la botteuse était au courant. Elle repiqua alors au premier poteau puis recula précipitamment jusqu'au second montant en veillant à ne pas percuter la gardienne de but ou qui que ce soit d'autre. Le corner fut tiré et la balle s'éleva dans les airs.

Haute et puissante.

Eris reculait, inexorablement. Elle multipliait les petits pas pour se mettre en position et s'aidait légèrement des bras pour forcer son adversaire directe à reculer également. Le ballon était fuyant et bien travaillé, formant une trajectoire courbée et facile à lire. La jeune femme en rouge et blanc savait qu'elle avait du retard et que si elle parvenait à gagner le mètre qui lui manquait, elle serait dans la bonne zone pour attaquer le ballon. Eris tenta alors de gagner de précieux centimètres, puis poussa sur ses jambes pour sauter le plus haut possible. Derrière elle, son adversaire refusait de lâcher un bout de terrain, s'aidant également de ses bras et de ses mains avec discrétion pour ne pas commettre de faute. Elle sauta à son tour.

Ce qui suivit releva du comique : la plus petite des deux joueuses s'éleva dans les airs en premier, complètement désaxée pour essayer de toucher l'objet sphérique, et fit perdre l'équilibre à son homologue directe alors que celle-ci n'avait pas encore retouché le sol. Emportée par son élan et en l'absence de support, Eris tenta de se stabiliser, mais finit par tomber à la renverse en compagnie de celle qui la marquait. Le ballon, quant à lui, fila en sortie de but.

Par chance, la chute fut lente et relativement indolore. Eris laissa échapper un Whoouuaaa de surprise et s'affaissa sur une autre surface qui n'avait rien à envier à l'herbe autour d'elle. Avec sa tenue bleue et noire et ses cheveux bruns coupés assez courts, la jeune femme prise en sandwich mit quelques secondes avant de retrouver ses esprits. Même si la masse musculaire avait amorti une grande partie du choc, aucune des deux sportives ne parvint à se relever immédiatement.

D'abord bouchée bée, Eris adressa un Oups! plein d'humilité et décocha un large sourire au visage qui lui faisait face. Sa maladresse croissante avait une nouvelle fois frappé. Elle espérait ne pas avoir blessé son adversaire au cours de l'action.

— Tout va bien? Je suis désolée.

En moins d'une demi-seconde, une paire d'yeux vert noisette croisa le regard de l'interlocutrice. Sa propriétaire semblait, dans un premier temps, légèrement troublée. Elle esquissa ensuite un sourire et répondit :

— Je souffre le martyre, c'est terrible.

Les craintes de Eris s'évanouirent rapidement. Elle n'eut aucun mal à déceler l'ironie dans ses propos.

— Tu veux qu'on appelle la civière? Je resterai à ton chevet, promis!

— Merci, j'apprécie!

Deux fausses grimaces et un aïe peu convaincant plus tard.

— Ça va aller quand même?

— T'en fais pas, je vais survivre (clin d'œil). Par contre, on devrait peut-être se relever avant d'inquiéter les autres.

— Ah oui, bonne idée!

Eris se fit la réflexion qu'elle pouvait être cruche parfois. À peine remise sur pied, elle se hâta de tendre sa main pour aider son adversaire à se relever. Cette dernière n'hésita pas un instant et l'attrapa.

— Merci.

Les deux joueuses se firent instinctivement une courte accolade. Souvent réalisé pour réconcilier deux parties, le geste n'avait pas lieu d'être ici et il n'était pas impossible qu'une pulsion commune en ait été à l'origine.

— Tu rigoles? Merci à toi, l'arbitre a sifflé penalty!

Incertaine, la footballeuse en noir et bleu jeta un coup d'œil à sa gardienne qui préparait la remise en jeu. Les deux équipes reprenaient progressivement leur place au centre du terrain. Eris lui tira la langue avec malice et se repositionna sur son flanc sans tarder.

La suite et fin de la première mi-temps se déroula sans évènement notable jusqu'à ce que l'avant-centre des rouges et blancs vienne fusiller la gardienne adverse dans les arrêts de jeu. Sur le coup d'envoi qui suivit, l'arbitre siffla deux fois et toutes les joueuses regagnèrent leur coach respectif sur le bord du terrain. L'occasion d'écouter les consignes, de se désaltérer et de refaire le plein d'énergie. Quinze jours auparavant, les vingt-deux actrices rentraient encore au vestiaire pour profiter de la chaleur des locaux avant de retourner sur le terrain et d'affronter le vent glacial. Depuis lors, les températures avaient fait un bon en avant et personne ne ronchonnait à l'idée de passer deux heures d'affilée dehors avec un temps aussi agréable.

Eris lançait régulièrement des regards furtifs sur le banc des visiteurs. Lorsqu'une de ses coéquipières haussa les sourcils d'un air inquisiteur, elle se contenta de répondre, sans sourciller, qu'elle essayait de glaner des informations stratégiques. Sa capitaine, comme toutes les autres filles d'ailleurs, était consciente qu'il ne s'agissait que d'un prétexte, et personne ne fit la moindre remarque au vu de la nature du match.

À bonne distance du terrain de football, la cloche de l'église tinta précisément onze fois, indiquant la fin imminente de la mi-temps. Lorsque les derniers mots d'encouragement furent prononcés, les joueuses se séparèrent et reprirent leur position initiale pour l'engagement. En voyant la jeune femme aux cheveux courts boire à la gourde en retrait de l'équipe, Eris prit son courage à deux mains et alla à sa rencontre. Elle hésitait encore sur la meilleure façon de l'aborder lorsque la bleue et noire prit la parole en première :

— Ah, salut! Dis donc, ça cavale beaucoup de ton côté! J'ai une amie qui peine à te suivre sur l'autre flanc!

— On s'amuse bien, oui. Je te proposerai bien de venir dans le coin, mais t'as l'air assez occupée à percer notre défense à l'opposé!

— Que veux-tu... faut respecter les consignes, hein. Mais bon, je ne suis pas inquiète, vous allez bien vous procurer un nouveau corner.

— Tu penses? On va peut-être essayer de conserver notre avantage!

— Pas grave, je sortirai moi-même le ballon s'il le faut!

Parfois, de simples mots ont le pouvoir d'accélérer le rythme cardiaque. Eris reprit son couloir, encore plus légère qu'à l'accoutumée, et les joueuses entamèrent les quarante-cinq dernières minutes du match amical. Les visiteuses se procurèrent beaucoup plus d'occasions que les rouges et blancs, marquant à deux reprises sur un coup de tête bien senti et un tir malencontreusement dévié par l'une des deux défenseures centrales. La numéro 7 continua de faire des misères et délivra une passe décisive sur le premier but, au grand dam d'Eris qui éprouvait de plus en plus d'émotions contraires. D'une part, elle voulait aider ses coéquipières centrales pour repousser les attaques venant du côté gauche, mais elle savait pertinemment qu'en agissant de la sorte, elle ne ferait qu'offrir beaucoup d'espace à l'ailière gauche adverse qui serait libre de déborder et de centrer aux abords de la surface. D'autre part... elle était admirative devant son homologue directe qui brillait, dégageait une sensation de puissance et de dextérité étonnante, et elle voulait lui montrer ce dont elle était capable. Elle voulait lui prouver qu'elle aussi jouait un rôle fondamental dans l'équipe, tant sur le plan offensif que défensif, et que les locaux sortiront vainqueur de cette rencontre dominicale.

Les minutes s'égrainèrent, l'une après l'autre, et la tendance ne s'inversa pas. L'équipe d'Eris peinait à se procurer des occasions, perdant la balle à de nombreuses reprises sur des fautes techniques évitables. Les bleues et noires, quant à elles, se montraient plus incisives et inquiétaient régulièrement la gardienne du club : trois arrêts importants et une transversale privèrent l'adversaire du but du break, ce qui autorisa Eris à espérer un match nul en dépit du fait qu'elle était acculée à la ligne des seize mètres. La jeune femme vit l'arbitre regarder sa montre et comprit qu'il ne restait plus beaucoup de temps avant le coup de sifflet final.

Elle redoubla d'efforts, ignora la fatigue et ses muscles endoloris, puis lança un pressing sur la porteuse de balle pour forcer la passe vers l'arrière ou la prise de risque. Le ballon circula d'un côté à l'autre du terrain, jusqu'à la numéro 7 qui fit une passe à la latérale dédoublant le long de la ligne de touche. Son accélération la propulsa à proximité du poteau de corner où elle parvient à centrer puissamment en retrait. Pendant ce temps-là, Eris avait repiqué dans l'axe et rejoint le groupe de joueuses dans la surface de réparation. À sa gauche, la gardienne annonça sa sortie pour intercepter le centre, mais elle ne put que repousser le ballon du poing et l'envoya involontairement sur une adversaire en dehors de la surface.

Le but était vide. Eris sentit le danger et parcourut rapidement la distance qui la séparait de sa propre cage. L'avant-centre adverse, libre de tout marquage, reçut le ballon et arma sa frappe pour faire trembler les filets.

Eris se jeta vers l'avant et parvient in extremis à dévier la trajectoire du ballon qui alla rebondir sur le montant gauche du but. La fille au chignon se releva en un éclair, parvint à contrôler tant bien que mal le cuir qui lui revenait dans les pieds, et concéda un corner sous le coup de la pression.

Le corps arbitral profita du moment de répit pour émettre trois coups de sifflet et indiquer la fin de la partie.

De chaleureux applaudissements vinrent saluer la performance des deux équipes. À l'approche du zénith et en l'absence de nuages, il commençait à faire très chaud sur le rectangle vert : les vingt-deux sportives se rassemblèrent une dernière fois, en nage, pour se serrer la main et se féliciter. Les perdantes du jour peinaient à masquer leur déception et leur frustration, conscientes de la supériorité du village voisin. Même s'il n'existait aucune réelle rivalité entre les deux clubs, chacun voulait faire bonne impression dans la région. À l'image de ses coéquipières contrariées, Eris congratulait son adversaire avec respect en répétant inlassablement les habituelles tournures du style « Bien joué » ou « Bon match ».

Jusqu'à ce qu'une silhouette familière ne brise la monotonie.

— Chapeau l'artiste! Tu te seras battue jusqu'au bout!

Le visage d'Eris s'illumina.

— Dommage que ça n'ait pas suffi. Vous jouez vraiment bien ensemble, c'en était presque plaisant... enfin, j'veux dire, énervant! (La numéro 9 laissa échapper un petit rire) Non, mais c'est vrai! On s'est fait balader toute la deuxième mi-temps!

— Honnêtement, on a eu de la réussite sur le deuxième but. Si l'on n'avait pas été aussi efficace dans votre surface, vous auriez moins subi, je pense.

La footballeuse en rouge et blanc en doutait, mais elle apprécia néanmoins l'intention. Avant de répondre, elle serra aimablement la main des deux adversaires restantes et reporta son attention à l'ailière aux cheveux courts.

— En tout cas, c'était chouette comme rencontre! En te regardant jouer, j'ai constaté que j'avais encore beaucoup de choses à travailler en attaque!

— Ah bah voilà, je me disais bien que votre flanc droit était perméable! Votre vedette a passé la moitié du temps à me reluquer! (les deux jeunes femmes esquissèrent un nouveau sourire) J'rigole, t'as très bien défendu. Vraiment.

Eris fit mine de se cacher.

— Tout doux avec les compliments, je vais finir par rougir!

— Ça va, t'as encore beaucoup de marge avec ton maillot. Je vais pouvoir insister sur ton point faible maintenant que je l'ai découvert!

— Aaaaarrggh noooon! Pitié! Que quelqu'un me vienne en aide!

— Alors, je disais donc : une défense redoutable, une volonté de fer, un dévouement sans limites, un pressing incessant, une rapidité folle, une endurance colossale...

D'une fausse voix plaintive, la jeune femme complimentée suppliait son coach de la secourir, mais celui-ci avait le dos tourné et discutait avec l'autre entraîneur. Elle continuait néanmoins son cirque et accentuait la « souffrance » après chaque nouveau compliment. Son interlocutrice riait de bon cœur, interrompant ses louanges et mettant un terme au supplice de sa complice. Elle lui tapota gentiment l'épaule et la réconforta.

— Allons, allons. C'est fini. C'est fini. Tu n'as plus rien à craindre, désormais.

Eris cachait maladroitement son visage, toujours avec un grand sourire en coin.

— J'en doute! Je vais aller me réfugier sous la douche!

Comme s'il elle s'attendait à une attaque-surprise, Eris recula en direction des vestiaires sans lâcher du regard son bourreau. Elle était pourtant très sereine et se délectait de la situation, appréciant de plus en plus cette interlocutrice ouverte d'esprit et avenante qui rentrait dans son jeu avec une facilité déconcertante.

— Att...

Elle sortit brusquement de ses pensées en heurtant la main courante dans le bas du dos. Avec une pointe de honte, Eris se tint à la rambarde sous le coup de la surprise, prit une profonde inspiration, puis enjamba la barrière avec grâce pour rattraper ce moment d'inattention. Elle pointa ensuite un index accusateur sur l'ailière en bleu et noir et la menaça, les sourcils froncés.

— Tu n'as rien vu, compris?

Les fossettes réapparurent rapidement sur le visage de la jeune femme qui avait un mal fou à contenir son amusement. En face d'elle, la destinataire accusa réception de l'avertissement en mimant « Motus et bouche cousue » et en levant les deux mains à mi-hauteur pour indiquer son innocence.

— Bien.

Et d'une voix moins assurée :

— Tu m'attends avant de partir, hein?

Sur la pelouse, la joueuse ne se fit par prier deux fois et leva son pouce en signe d'approbation.

* * *

Dans le vestiaire, l'ambiance était contrastée. Une partie des filles n'arrivait pas à digérer la défaite et les autres n'accordaient, avec du recul, qu'une maigre importance au résultat de ce match amical. Les conversations allaient bon train et des notes de musique s'échappaient des haut-parleurs d'un téléphone, posé habilement sur la table trônant au centre de la pièce. Eris ne resta pas plus longtemps que nécessaire sous l'eau chaude et se hâta de s'habiller tout en échangeant quelques mots avec ses partenaires de jeu. Elle ressortit de l'espace embuée la première et marcha d'un bon pas vers la salle du fond, qui faisait office de buvette improvisée lors des évènements sportifs, où elle retrouva deux de ses amis. Son frère, de deux ans son ainé, parlait au téléphone derrière la baie vitrée.

— Eh beh! Quel match! On a choisi le bon jour pour te voir jouer où t'assures autant à chaque fois?! C'était impressionnant!

— Merci, Sylvio. Hummm, j'ai encore du déchet technique et je devrais mieux me positionner, mais il faut croire que j'étais en forme aujourd'hui, oui! J'ai rarement été si... virevoltante cette année!

— J'avoue, on a été bluffés sur le bord du terrain avec Sylvio et ton frère. Et le sauvetage à la dernière minute! Pfouaaa, c'était osé et ça a marché! Ça fait combien de temps que tu fais du foot, déjà? Cinq, six ans?

— Ça doit faire six avec cette année, oui.

— Ben c'est du solide, continue comme ça!

Eris acquiesça de la tête, remerciant silencieusement les deux jeunes.

— Je suis contente que vous soyez venus, les encouragements étaient top! Marik n'est pas souvent présent non plus, mais je crois que vous me donnez un surplus d'énergie lorsque vous êtes là. Vous savez ce qu'il vous reste à faire pour le prochain tournoi!

— Redis-nous la date?

— Dans deux semaines, le samedi en 8.

— Hum d'accord, on se tient au courant. Faut que je regarde mon agenda et je ne l'ai pas sur moi. Oh, et pendant que j'y pense : t'as croisé une amie de la fac? on t'a vu échanger et rigoler avec une fille de l'équipe adverse.

Le dénommé Marik venait de terminer sa conversation téléphonique et rejoignit le trio.

— Ben alors, Eris? T'aurais pu nous le dire avant la rencontre! Bon, ça n'aurait pas fondamentalement changé grand-chose, mais on a une folle envie de savoir qui tu fréquentes à l'université!

— Non, non. C'est... euh...

Le doute s'empara d'Eris. Comment devait-elle expliquer cette rencontre inattendue? Elle avait elle-même du mal à définir ce qui était en train de se produire, cette complicité instantanée née au beau milieu d'un évènement sportif sans importance, cette soudaine résonnance entre deux personnalités étonnamment similaires. Pour une fois, la routine avait laissé la place à une manifestation du hasard, du chaos, de l'inconnu ou du destin, selon les visions et les croyances de chacun. Pour une fois, oui, l'irréel avait interrompu le cours de la vie monotone d'Eris... et elle pensait n'avoir assisté qu'à une infirme partie seulement des conséquences. Tout cela était trop beau pour se terminer à midi autour d'un verre de jus d'orange et d'une part de quatre-quarts. Eris ne pouvait imaginer une seule seconde qu'elle ne recroiserait plus jamais cette jeune fille aux cheveux noirs et courts dont le physique n'avait probablement d'égal que sa mentalité et son charisme débordant.

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